lundi 2 février 2015

Je hais les dimanches !

Je hais les dimanches ! Ces jours de liberté ont un parfum d'ennui. On a si bien la tête déjà plongée dans le lundi qu'il parait impossible d'apprécier l'inaction. Est-ce un réflexe acquis au cours de mon enfance ? Je remise au placard ma panoplie de peintre. Je suis propre et coiffé, savonné, parfumé, chaussé ! C'est là que brusquement j'entends l'imperceptible cri des pinceaux inactifs. C'est un cri de souffrance, une peur d'abandon à laquelle je ne puis résister bien longtemps. En deux temps trois mouvements, je cède à leur supplique. Les voici tout heureux, le sourire retrouvé, le poil lisse, plongeant avec délice dans l'huile et le médium, nageant dans la couleur et caressant la toile. Vas y ! Hardi petit ! Aie du cœur  à l'ouvrage ! C'est parti.  J'oublie tout ! Je délire et je rêve. J'imagine et je vole. Je joue avec le vent, avec l'air et le feu. La création agit comme une drogue. C'est un voyage heureux en parfaite extasie.

Et puis, soudain, horreur,  je réalise que mon beau pull orange, un pull nouveau, tout neuf, est du bas jusqu'en haut bariolé de traits noirs. Je m'affole. Vite ! J'appelle à mon secours mes chevaliers du propre : White Spirit et Sopalin. Ils accourent ! Ils sont là, pour faire finalement plus de mal que de bien, étalant, barbouillant la peinture sur la laine ! La catastrophe devient irréversible ! Tout est accompli ! C'est fini ! Ce pull a terminé sa carrière des dimanches ! Le voici condamné aux travaux quotidiens de l'artiste en furie ! Contrarié, je le suis.

Puisque je peins du noir à défaut d'en broyer, je me dis que, quand même, il serait judicieux que je m'habille en noir. Au moins, si je me tache, ça ne se verra pas ! Il est futé, l'artiste ! Sitôt dit, sitôt fait ! La colère contre moi aussitôt oubliée, je repars en voyage au pays de mes rêves à travers l'univers, explorant les contrées de mon imaginaire. Sauf qu'il me semble alors avoir besoin de blanc pour que naisse la lumière. Blanc de titane. Bien ! C'est cela ! Parfait ! Je travaille. J'improvise. Et j'avance ! Lorsque je me recule, comme ça, pour constater de loin l'effet que j'ai produit, mes yeux soudainement regardent sans y croire une constellation de points blancs qui recréent sur mon pull un cosmos étoilé. 

Je suis plutôt content de l'avancement de mon tableau. Encore heureux ! Car ça m'a coûté deux pulls neufs ! Un record ! Ça fait chère la séance de peinture ! Il faudrait que j'augmente mes prix, moi ! Je n'aime vraiment pas les dimanches !

1 commentaire:

Françoise D. a dit…

C'est magnifique , j'adore ce tableau et la poésie qui l'accompagne ! Il te faut encore de nombreux dimanches comme celui-là !!!
Bises à vous 3 .